

INTERVIEW
Cette semaine, Belem de KAIZo'ART à Madrid est allée à la rencontre de Lauren Fernandez, sculptrice et designer de vaisselle artistique, elle vous invite à pousser les portes de son atelier… Cette artiste à l’esthétique hybride, imagine et façonne portraits et corps, explore les volumes dans l’argile, le plâtre, la cire, ou même la résine.


B.J : Prête ?
parle nous de ton Atelier.
Originceram, c'est un espace d'expérimentation nomade, qui gravite entre l'Espagne et le sud de la France. En tant qu'artiste, on à tendance à s'enfermer dans une bulle, un cocon pour explorer notre matière de prédilection. c'est super lorsque l'on veut capter et approfondir une de ces "vagues" de création. Mais pour ma part, j'aime alimenter l'essence de l'atelier en changeant d'environnement. d'ou ce studio de création itinérant. il n'y à pas besoin d'aller très loin pour être depaysé. je me suis formée à Toulouse, puis évoluée à Madrid à partir de 2010, en 2020 il était à Aureilhan dans un petit village des hautes pyrénees, Depuis 2022, je me suis posée à Boucau au Pays Basque.

B.J: Comment est née ta vocation d’artiste ?
Quand j'étais môme, il suffisait que mes parents me mettent une boule de matière entre les mains pour avoir la paix : mie de pain, Pâte à sel, Fimo, pâte à modeler, céramique... tout y passait, j'était inépuisable avec la peinture et la terre, il ne restait plus de place sur les murs ou les étagères. j'ai eu de la chance que ma mère m’emmène beaucoup voir des expos et des musées très tôt.
Et mon père m'a plongée dans le monde du composite à 14 ans, même si c'était dans le domaine de la carrosserie, j'ai pu découvrir l'univers de la résine et en tirer de quoi alimenter mon travail techniquement. Mais cela reste la noblesse de la terre qui l’emporte sur le reste
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B.J: Quel est ton secret rituel pour créer ?
C'est drôle que tu demandes ça, j'en parlais justement à une amie peintre ce matin, chacun à son truc pour créer, perso, je laisse un début de projet le soir, prêt à être attaqué le lendemain. ce qui ralentis la création, c'est la mise en place, la préparation et la propreté de l’espace de travail, les outils, la lumière, les croquis... je fais en sorte de toujours laisser ma pièce maîtresse prête la veille, en suspend. Mais la procrastination, c'est une sacrée chimère toujours terrée quelque part dans un coin de l'atelier, il faut trouver des stratagèmes pour la contrecarrer.
Si tout est à sa place, propre et rangé dès le départ, c'est mon rituel pour induire cette roue de production. L'énergie est fluide, souvent le matin on aborde le sujet avec un nouveau regard, c'est idéal pour qu'il évolue rapidement, il faut de régulières prises de recul.

K. Quelles sont tes inspirations artistiques, influences ?
En ce moment ce sont les enfants sauvages de Simone Benetto, ils me rappellent les personnages que j'adore de Herakut, un couple de graffeurs allemands, les enfants, les animaux, leurs attitudes, leurs expressions, leurs regards effrontés. captivants, je suis impatiente d'avoir un four plus grand pour pouvoir réaliser des sculptures à échelle humaine. Il y a L'univers de Johnson Tsang aussi qui est juste incroyable, il a donné un vrai 360 à ces masques de porcelaine pour traiter des sujets qui vont de l'environnemental aux dénonciation politique. C'est très premier degrés, mais tellement efficace



B.J : Sur quelle sculpture tu travailles en ce moment ?
En ce moment j'ai une belle commande d'un amoureux de la Corse en trois matières, je réalise son symbole sur mesure avec la forme de l’île en bois de châtaigner sur laquelle vient loger une tête de Maure en céramique, et entre les deux, le symbole indépendantiste en acier inoxydable polis comme un miroir. j'apprécie tout particulièrement travailler le drapé en céramique, et en parallèle, je commence à dessiner une nouvelle collection d'assiette inspirée de fossiles pour un restaurant du Béarn.

B.J: Comment est née cette collaboration avec les restaurateurs ?
Wow, c'est une belle histoire, je résidait à Madrid depuis 3 ans et je suivait des cours de perfectionnement à Potterygym, une excellente école de céramique de la capitale. La ville foisonne de restaurants et les espagnols adorent la cuisine fusion. Un ami était sous-Chef dans une très bonne adresse du quartier Opéra, alors nous sommes partis faire la découverte de nouvelles saveurs. Un vrai régal, ils étaient si inventifs. je me rappelle tout particulierement d'un calamar à la plancha mariné dans du yuzu et servit avec une crème de coco et espuma de sésame incroyable. il était présenté sur une simple ardoise et peu après la fin du repas je me suis retrouvée à parler Vaisselle avec le patron.
Le courant est très vite passé. deux mois plus tard, on revisitait la casi totalité des plats du restaurant Samy Alirando débordait d'idées, Il nous rendait visite à l'atelier pour peaufiner les formes et les couleurs, un vrai travail d'équipe.
Jusqu'à sa participation au Concours de gastronomie du Musée thyssen à Madrid qui aboutira sur l'édition d'un recueil de recettes inspirée par des toiles du musées et de 25 chefs. Un bijou. et de nouveau Samy fit appel à moi pour la création du support de sa mise une bouche: une main en céramique soutenant un cornet. quand il nous à emmené le recueil j'été vraiment fière de cette collaboration.



B.J : et tu prolonges cette aventure autour le la Table ?

Oh oui ça continue, l'empreinte à Tarbes, l'Aragon à juillan, Jack the cockerel Biarritz, Goxoki Bayonne, le Concours national du dessert remporté par Cédric Barrère de valence
Quand le chef met autant d’intérêt dans le choix de sa vaisselle que dans celui de ces produits, cela disculpe totalement la puissance de sa cuisine
Dans la nature tout est fait pour séduire le concerné, les couleurs, la géométrie de certains fruits, les fleurs... il n'y a pas que le goût, le visuel est tout aussi incontournable
il y a des études scientifique très intéressante sur la`psychologie de la couleur : c'est étrange mais une personne va percevoir différemment le goût de ce qu'elle mange dans une assiette rouge et dans une assiette bleue alors que c'est le même produit, la couleur influence totalement notre relation et notre perception de la nourriture.
Donc quand le Chef fait appel à moi pour réaliser sur mesure une assiette artistique, on prend tout cela en compte. C'est l'intention qu'il donne à son plat qui sera la clef de la dégustation.

B.J: comment cela se passe la mise en place d'une collaboration ?
Après une explication écrite du projet et de l'intention,
je demande à mon client de m'envoyer des images de vaisselle ou de sculpture qui l'inspire pour m'orienter sur le style qui lui fait écho, couleur textures, l'éventail est si larges qu'il me faut un maximum d'information pour concrétiser au mieux son idée. Ensuite je lui demande de penser clairement aux dimensions et d'ébaucher la forme sur une grande feuille de papier si il peut; de petits croquis, c'est idéal aussi même si la personne pense qu'elle ne sait pas dessiner elle me donne des réponses précieuse par son interprétation.
Une fois que tout ceci est définit, on peut alors parler du budget de production et à parti de là j'adapte, et si il y a une deadline, plus on a de l'avance, mieux c'est. La céramique requiers des jours de séchage et deux cuissons d'une dizaine d'heures chacune entre 1000 et 1300 degrés.
si on ne respecte pas ces temps là, on augmente considérablement le risque de casse. Mais comme on arrive à être raisonnables, Ça se déroule au mieux.



B.J : On m'a dit que tu avait un diplôme d'éducatrice sportive aussi ?
(rire) oui c'est vrai, le sport c'est ce qui me permet de rester "Focus" à l'Atelier. La céramique c'est vraiment capricieux et délicat, si on ne se livre pas complètement à elle, elle fissure elle casse, pour une bulle, une faute d'inattention, une association de deux terres qui n'ont pas le même indice de rétractation, c'est l'explosion. Ce n'est pas vraiment une matière exutoire, si c'est le chaos en toi, il se déchaînera dans le four, il ne restera plus qu'à recoller les morceaux.
pour la céramique, il faut être méticuleux, reposé, détendu: Il faut se recentrer.
Et le sport permet ça, de lâcher toute la tension, ou simplement le trop plein d'énergie pour pouvoir se rendre disponible à la terre. C'est mon équilibre. Alors j'ai décidé d'en faire aussi mon métier, et puis cela m'à aussi permis d'aquerrir des outils pédagogiques sur le terrain que je peux appliquer à mes cours de céramique dans le studio en plus d'une connaissance plus approfondie du corps humains, des muscles des os et du mouvement.

B.J: quelle est ton oeuvre préféree de tes creations ? ?
Définitivement, Big Bang pour tout ce qu'elle éveille chez les gens
elle parle d'elle même, elle interroge, elle est multiple.



B.J : Quel serait ton reve dans 10 ans ?
le bronze ! j'aime vraiment la céramique, mais elle est si fragile, si délicate, et on est rapidement limité en dimension. Je rêve du jours où je mettrait une de mes créations dans cette machine qui les scanne en 360 et de faire couler sa répliquegéante en Bronze, puis de venir retoucher et terminer ce double, appliquer la patine, la déposer avec une grue sur un boulevard.
En tant qu'artiste, je me sentirai vraiment accomplie si je parvient à déplacer mon studio dans la l'espace public, Les villes qui parsèment leur ruelles de sculptures empreignent leur mur d'une autre énergie. Lors d'un voyage à Guadalajara au Mexique, j’étaie fasciné par les "mages" de Alejandro Colunga. Même coup de foudre en Australie face au travail de Joan Walsh & Charles Smith, leurs créations sont partout dans Perth.
Alors oui je rêve que les enfants grimpent et joue sur mes sculpture, que les ados se prennent en selfie avec elles, que des grapheurs les taguent, que les anciens se les donnent comme point de rendez vous... Ça oui, Ça me rendrait vraiment heureuse et fière de laisser un souvenir dans les ruelles de Bayonne
Le Bronze